IL EST RÉSOLU QUE le Comité rende la décision suivante, ainsi justifiée :
Ayant pris acte du rapport ACS2024-OCC-GEN-0012 intitulé « Rapport du vérificateur – Vérification de conformité des élections concernant le financement de la campagne électorale du tiers annonceur Horizon Ottawa dans le cadre des élections municipales de 2022 », et ayant reçu les interventions et lu les observations écrites et les documents remis par le vérificateur, le demandeur et Horizon Ottawa, le Comité décide d’introduire une instance contre le tiers annonceur Horizon Ottawa pour infraction apparente aux dispositions régissant le financement des campagnes électorales de la Loi de 1996 sur les élections municipales.
Motifs de la décision
Le Comité reçoit une présentation de BDO, vérificateur, ainsi que les observations de John Pappas, conseiller du demandeur, et d’Emilie Taman, conseillère d’Horizon Ottawa. Il a aussi lu et examiné les observations écrites du demandeur et d’Horizon Ottawa.
Positions des parties
Le demandeur
Le demandeur suggère au Comité d’entamer des procédures judiciaires. Il présente comme facteurs pertinents la gravité des infractions et les objectifs de la Loi de 1996 sur les élections municipales, à savoir assurer l’intégrité du système électoral au moyen de la responsabilisation et de la transparence.
Le demandeur indique que le rapport du vérificateur démontre qu’Horizon Ottawa a omis de tenir des dossiers exacts, a accepté des contributions en espèce de façon non transparente et a engagé des dépenses alors qu’il n’était pas inscrit, le tout en violation de la Loi de 1996 sur les élections municipales. Il déclare que ces infractions apparentes vont à l’encontre de l’objet de la Loi de 1996 sur les élections municipales. Le demandeur affirme également que ces infractions nuisent au rôle de la greffière municipale dans l’évaluation des contributions et donnent à Horizon Ottawa un avantage sur d’autres annonceurs qui se sont inscrits avant d’engager des dépenses. Selon lui, Horizon Ottawa aurait par conséquent soutenu plusieurs personnes candidates, et certaines d’entre elles auraient été élues.
Le demandeur soulève également des préoccupations concernant le rapport du vérificateur et se demande si celui-ci s’est correctement penché sur toutes les questions, y compris la question formulée dans la demande initiale qui a donné lieu à cette vérification. Il émet notamment des réserves quant au fait que le rapport n’aborde pas expressément l’affiche annonçant HorizonFest, ce qui montre, selon lui, que toutes les dépenses potentiellement contraires à la loi n’ont pas été prises en compte.
Le demandeur soutient que le rôle du Comité n’est pas de décider de l’innocence ou de la culpabilité, mais plutôt de déterminer si des poursuites servent l’intérêt public. En l’espèce, il estime que ce serait le cas. Les infractions ne sont effectivement pas de minimis; elles ne sont pas mineures du fait qu’elles touchent le cœur du régime. De plus, le demandeur affirme que toute inadvertance ou bonne foi de la part d’Horizon Ottawa n’est pas pertinente, car la Loi de 1996 sur les élections municipales prévoit expressément que ces deux éléments ne sont pas des moyens de défense et qu’ils doivent être considérés comme un facteur atténuant dans la détermination de la peine uniquement lorsque l’affaire fait l’objet d’une poursuite.
Horizon Ottawa
Horizon Ottawa reconnaît que l’objectif de la Loi de 1996 sur les élections municipales et celui du régime sur la publicité de tiers sont d’assurer la surveillance adéquate des dépenses faites par les tiers et de promouvoir la transparence. Il soutient que ses actions ont toujours été menées dans un esprit de responsabilisation et de transparence, et qu’il a agi de bonne foi dans le processus de dépôt. Il affirme également que les infractions apparentes sont, tout au plus, des erreurs comptables de bonne foi.
Horizon Ottawa déclare qu’il avait initialement décidé de ne pas s’inscrire comme tiers annonceur au début de la période de campagne publicitaire, car il aurait été autorisé à s’engager dans ses activités habituelles de promotion et même à soutenir des candidatures tant qu’il n’engageait pas de dépenses réglementées. Cependant, il a ensuite choisi de s’inscrire, en partie parce qu’il a décidé d’inviter certaines personnes candidates à HorizonFest, ce qui a fait de ce festival une publicité de tiers.
Horizon Ottawa soutient que son inscription est la preuve qu’il a agi avec diligence et qu’il s’est conformé à ses obligations aux termes de la Loi de 1996 sur les élections municipales, soit faire preuve de transparence dans ses dépenses et ses activités de promotion liées aux élections. Il n’y a eu aucune intention de dissimuler des renseignements, des dons ou des dépenses, pas plus que le vérificateur a trouvé de preuve en ce sens.
Horizon Ottawa conteste la conclusion du vérificateur selon laquelle il aurait engagé des dépenses inadmissibles en achetant les articles mentionnés dans le rapport avant la période de campagne électorale. Il soutient plutôt que la compréhension de la personne non spécialiste, et ce qu’il prétend être la compréhension selon les principes comptables généralement reconnus, est qu’une dépense est « engagée » lorsque le bien ou le service en question est utilisé. Horizon Ottawa déclare qu’aucune des dépenses en question n’a été utilisée avant son inscription comme tiers annonceur.
Horizon Ottawa fait aussi valoir que l’infraction apparente liée à la boîte de dons était une simple erreur de classification dans ses états financiers; elle n’a pas eu d’incidence sur l’équité des élections. Il a déclaré le montant et n’a pas cherché à dissimuler les sommes reçues.
Enfin, Horizon Ottawa soutient que, même si les infractions apparentes relevées dans le rapport du vérificateur sont réelles, elles sont de minimis et ne justifient pas l’ouverture de procédures judiciaires. En fait, l’objectif de la Loi de 1996 sur les élections municipales a été atteint par le processus du Comité jusqu’à présent. Pour cette raison, Horizon Ottawa estime que l’ouverture de procédures judiciaires n’est pas dans l’intérêt public.
Analyse
Horizon Ottawa affirme qu’il n’a pas « engagé » les dépenses contestées pour HorizonFest en dehors de la période de campagne électorale. Selon l’organisme, cette interprétation est conforme à l’opinion de sa personne vérificatrice et au résultat d’une précédente décision du Comité de vérification de conformité des élections concernant une candidature à une autre élection.
Le Comité ne souscrit pas à cette observation. En effet, il interprète le terme « engager » du paragraphe 88.19(2) comme signifiant le moment où le tiers annonceur achète le bien ou le service pour l’utiliser à des fins de publicité de tiers. En d’autres termes, la dépense n’est pas « engagée » seulement au moment où le bien ou le service est finalement utilisé. Cette interprétation est conforme au sens ordinaire du paragraphe 88.19(2) :
Pour la publicité de tiers
(2) Pour l’application de la présente loi, les frais engagés par un particulier, une personne morale ou un syndicat, ou selon ses directives, au titre de biens ou de services qui seront utilisés en totalité ou en partie à l’égard de la publicité de tiers qui est diffusée pendant une élection dans une municipalité constituent des dépenses.
Au moment où il a engagé les dépenses litigieuses, Horizon Ottawa ne s’était pas encore inscrit comme tiers annonceur. Il a plus tard changé d’avis et décidé de s’inscrire. Le Comité estime que cette décision découle, du moins en partie, de la décision de l’organisme de faire participer certaines candidatures municipales à HorizonFest. Cette décision a fait d’HorizonFest une publicité de tiers au sens de la Loi de 1996 sur les élections municipales. Ainsi, les dépenses litigieuses sont devenues des dépenses électorales, aux termes de la Loi de 1996 sur les élections municipales, dès qu’Horizon Ottawa a décidé de participer à l’élection en tant que tiers annonceur. En engageant les dépenses avant la période de campagne électorale, il a profité d’un avantage dans ses activités liées à celle-ci. La Loi de 1996 sur les élections municipales impose une période de campagne électorale en partie pour empêcher un tel avantage.
Le fait qu’Horizon Ottawa ait agi de bonne foi en examinant sérieusement la signification du terme « engager » de la Loi de 1996 sur les élections municipales n’est pas déterminant en l’espèce. Si l’intention peut être un facteur légitime dans le cadre d’une éventuelle poursuite, elle n’est pas pertinente pour la tâche du Comité, qui est de décider s’il y a eu une infraction apparente nécessitant des poursuites judiciaires.
En ce qui concerne les deux autres violations indiquées dans le rapport de vérification (la collecte de dons en espèce et la tenue déficiente de dossiers), le Comité partage l’avis du vérificateur selon lequel il s’agit d’infractions apparentes. Pour ce qui est des dons en espèce acceptés à HorizonFest, le Comité prend note des observations écrites d’Horizon Ottawa selon lesquelles il avait le droit d’accepter comme « contributions » des dons anonymes de moins de 25 $ liés aux publicités de tiers. Si l’on accepte la conclusion d’Horizon Ottawa au pied de la lettre, HorizonFest était bien une publicité de tiers assujettie à la Loi de 1996 sur les élections municipales.
Comme indiqué ci-dessus, les deux parties ont présenté des observations sur le caractère de minimis des infractions apparentes relevées dans le rapport du vérificateur, et ainsi sur leur insuffisance pour justifier l’ouverture de procédures judiciaires. Selon le Comité, la question de savoir si une ou plusieurs infractions apparentes sont de minimis dépend du degré auquel ces infractions affectent les facteurs d’intérêt public qui sous-tendent le régime de financement des campagnes électorales de la Loi de 1996 sur les élections municipales, à savoir la transparence et l’intégrité du processus de financement des campagnes électorales et de la publicité. La valeur monétaire d’une dépense donnée et la possibilité d’une sanction potentielle (ou son absence) dans le cadre d’une procédure éventuelle sont pertinentes, mais non déterminantes.
Le Comité a examiné attentivement la nature des infractions apparentes en cause et le coût des procédures judiciaires pour le public et Horizon Ottawa. En conséquence, il conclut que, compte tenu de ces facteurs, l’intérêt public est mieux servi par l’introduction d’une instance dans les circonstances.
Le Comité demande à la greffière municipale de prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre sa décision, conformément au paragraphe 88.37(6) de la Loi de 1996 sur les élections municipales. Plus précisément, la greffière municipale doit se pencher sur la question et en saisir une procureure indépendante ou un procureur indépendant, qui exerce les pouvoirs et les compétences habituelles d’une procureure ou d’un procureur.